L’intelligence artificielle (IA) est au cœur des transformations économiques et sociétales. Ces derniers mois, plusieurs entreprises, notamment dans les secteurs du journalisme, du design et même du droit, ont annoncé des suppressions de postes liées à l’automatisation croissante des tâches par l’IA. Le géant des médias BuzzFeed a récemment licencié une partie de ses rédacteurs pour privilégier la création de contenu assistée par IA, tandis que certaines banques automatisent de plus en plus leurs services de conseil client. Parallèlement, les artistes et auteurs dénoncent l’utilisation de leurs œuvres pour entraîner des IA sans compensation ni consentement, un débat qui a mené à des poursuites judiciaires contre des entreprises comme OpenAI ou Stability AI.

Elle soulève autant d’espoirs que d’inquiétudes, particulièrement en matière d’emploi et de droits d’auteur. L’IA est-elle en train de nous voler nos emplois ? Faut-il la considérer comme une chance unique d’innovation ou une menace pour les travailleurs et les créateurs ?

L’IA va-t-elle mettre la France au chômage ?

C’est une promesse d’accroissement de la productivité pour les entreprises en automatisant certaines tâches répétitives. Selon l’économiste Jean Tirole, prix Nobel d’économie, cette automatisation permettrait aux entreprises de gagner en efficacité et de se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée. De plus, l’IA favorise la création de nouveaux métiers, notamment dans le domaine du développement informatique, de la gestion des données et de l’éthique numérique, ou celui d’office manager occupant un poste plus polyvalent dans l’entreprise ou encore de prompt engineer, un métier qui consiste à concevoir des instructions précises pour guider l’IA vers des résultats optimaux.

Toutefois, d’autres économistes, comme Thomas Piketty, mettent en garde contre les effets négatifs de cette transition technologique. En supprimant des emplois peu qualifiés, l’IA pourrait accentuer les inégalités et creuser un fossé entre travailleurs précaires et experts de la technologie. Philippe Aghion insiste quant à lui sur l’importance d’une adaptation des politiques publiques pour accompagner cette mutation et éviter une fracture sociale.

La France est particulièrement concernée par cette transition. Plusieurs rapports soulignent que les métiers administratifs, industriels et certains services sont directement menacés par l’automatisation. Une étude de McKinsey estime qu’environ 20 % des emplois en France pourraient être automatisés d’ici 2030, un chiffre qui alimente les craintes de chômage massif si des mesures d’accompagnement ne sont pas mises en place rapidement.

L’IA met-elle en danger les droits d’auteur ?

Au-delà de son impact sur l’emploi, l’IA bouleverse également les règles du jeu en matière de droits d’auteur. Les intelligences artificielles génératives, comme ChatGPT ou Midjourney, s’entraînent sur des bases de données colossales incluant des œuvres protégées par le droit d’auteur. Cela pose un problème majeur : comment garantir la reconnaissance et la rémunération des créateurs dont les œuvres alimentent ces algorithmes ?

Certains y voient une menace directe pour les métiers créatifs. L’IA permet en effet de produire du contenu rapidement et à faible coût, ce qui pourrait dévaloriser le travail humain. Par ailleurs, la question de la propriété intellectuelle reste floue : qui détient les droits sur une œuvre générée par IA ? L’utilisateur, l’entreprise qui a développé l’algorithme ou personne ?

Face à ces enjeux, des solutions émergent. Certains pays réfléchissent à imposer des redevances aux entreprises exploitant les œuvres protégées, à l’image des droits voisins pour la presse numérique en Europe. Par ailleurs, de nouvelles formes de propriété intellectuelle adaptées à l’IA pourraient voir le jour pour garantir une meilleure répartition des revenus.

Nous dirigeons nous vers le remplacement de toute créativité humaine ?

Si l’IA est capable d’analyser des données et de “produire” des œuvres, peut-elle réellement remplacer l’intuition, l’émotion et l’expérience humaine ? Si certaines de ses créations peuvent impressionner par leur technicité, peuvent-elles égaler l’authenticité et la profondeur d’une œuvre façonnée par un créateur humain ? Les plus grands chefs-d’œuvre, qu’ils soient littéraires, musicaux ou visuels, sont le fruit d’une histoire, d’une intention et d’un ressenti profondément humains.

L’IA peut être un formidable outil d’assistance pour les artistes et créateurs en phase d’études et de recherche, mais jusqu’où peut-elle aller sans la main et l’esprit humain pour lui donner du sens ? Peut-on imaginer un futur où la créativité serait uniquement générée par des algorithmes ? Ou bien, au contraire, l’IA deviendra-t-elle un compagnon incontournable du processus créatif, élargissant les possibilités sans pour autant faire disparaître la patte humaine ?

Dans l’entreprenariat également, les qualités humaines comme l’empathie, la capacité d’innovation et la prise de décision contextuelle restent essentielles. L’IA est un outil puissant, mais doit-elle être vue comme un levier d’amélioration des conditions de travail ou risque-t-elle, à terme, de remplacer certaines compétences humaines irremplaçables ?

L’IA est une avancée technologique majeure qui redéfinit les tâches de travail et de création. Si elle ouvre des opportunités d’innovation, elle présente aussi des risques pour l’emploi et les droits des créateurs.

Toutefois, elle ne remplacera jamais totalement la créativité et la sensibilité humaine, qui restent au cœur de toute œuvre véritablement originale. La clé réside dans un encadrement juridique et social adapté : investir dans la formation pour anticiper les transformations du marché du travail et établir des règles claires en matière de propriété intellectuelle. Ainsi, l’IA pourra être un levier de progrès plutôt qu’un facteur d’inégalités.

Vanessa VWH

Auteur Designer global pour Offélia

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